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Présentation du projet PrisM (Prisons et Musées)

Le projet PrisM (Prisons et Musées) a été mené à l’occasion de la programmation de l’exposition intitulée Prison, au-delà des murs, à Lyon coproduite par le Musée International de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de Genève, le Musée des Confluences de Lyon et le Deutsches Hygiene Museum de Dresde. Pour cette exposition internationale et itinérante, ces musées ont sollicité un certain nombre d’experts (chercheurs, juristes, associations et anciens détenus) pour élaborer un parcours qui entend proposer aux visiteurs « une réflexion sur notre système pénitentiaire hérité du 18e siècle » et expliciter, « de manière immersive […], par le biais de récits d’anciens détenus mais aussi de représentations de notre imaginaire collectif, le paradoxe selon lequel la prison isole l’individu pour le punir et protéger la société, tout en visant à sa réinsertion », comme on peut le lire sur le site internet du musée des Confluences.

Dans un dialogue interdisciplinaire, des sciences du langage vers d’autres sciences humaines, notamment l’anthropologie, la sociologie et la géographie, le projet PrisM porte ainsi sur ces dynamiques de représentations du milieu carcéral dans le monde contemporain, en contexte muséal. Il vise à caractériser la négociation complexe des représentations des milieux pénitentiaires par rapport à d’autres espaces en interaction, lors de visites guidées.

Nous avons alors étudié et observé les différences qui pourraient se manifester entre deux sortes de production d’un discours sur les prisons au musée. D’une part, il y a l’exposition Prison qui consiste à faire parcourir les prisons « à distance » à travers des médiations tierces et tente de faire entrer les visiteurs « en immersion » dans des espaces correctionnaires. D’autre part, il y a le Mémorial National de la prison de Montluc de Lyon qui cherche à faire émerger les stigmates des expériences passées d’une ancienne prison, in situ, sur le mode d’une archéologie, en retraçant l’inscription de personnes présentes dans le lieu de 1921 à 2009 et en échangeant sur les problématiques sociales et historiques soulevées par ces traces. 

Dans une démarche empirique qui porte un intérêt majeur à l’expérience de visite en train de se faire, nous avons réalisés des enregistrements audiovisuels des interactions entre les guides et les publics, mais aussi entre les groupes et l’exposition.

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Dispositif d'enregistrement de visites guidées au MICR de Genève (haut) et au Mémorial National de la prison de Montluc (bas)

Quelles dimensions de l’expérience carcérale sont mises en images et en discours par les musées, entre le choc corporel et psychologique provoqué par une rupture avec l’extérieur et la constitution d’une communauté à l’intérieur de la prison ayant ses propres codes ? Quelles sont les formes d’appropriation du discours muséal par les guides et par les publics ? Quelles émotions et quelles paroles sont suscitées à la vue d’images de personnes incarcérées ? Dans quelle mesure les visiteurs parviennent-ils à socialiser et à partager avec les autres participants leurs ressentis, leurs interprétations et leurs représentations sur les prisons ?

 

Objectifs de la journée d'études

Cette journée sur les images “libérées” de l’enfermement se veut être un cadre de réflexion interdisciplinaire et interprofessionnel sur les dynamiques de production et de réception de discours sur les prisons. Avec l’exposition Prison notamment, les musées décident, d’une part, d’exposer des images de l’enfermement que l’on cherche normalement à marginaliser, à cacher ou à transposer sur le plan de la fiction artistique. D’autre part, une partie de cette représentation de l’espace de la prison passe par des images qui sont le produit de la condition carcérale, parfois des images qui cherchent à s’en libérer, mais qui ont toujours une valeur de témoignage. 

Dans la mise en partage des questions qui se posent aux professionnels des musées et aux chercheurs, ces rencontres veulent favoriser le dialogue sur les outils et les pratiques mise en œuvre pour programmer et étudier les passages entres les pratiques et paroles institutionnelles et celles des publics. On cherchera ainsi à faire le pont entre les discours et les objets médiés au sein des musées et les pratiques sociales et professionnelles qui en sont à l’origine (entre autres, les témoignages de personnes incarcérées, les créations artistiques, les objets issus de détournements d’usage). Un autre objectif de ces journées est de faire dialoguer des projets scientifiques et artistiques pour lesquels les milieux carcéraux ont pu ou auraient pu constituer une étape du parcours des personnes rencontrées, en vue d’ouvrir la discussion sur les questions éthiques et déontologiques, sociales et politiques, qu’implique une prise de parole publique sur le maintien de l’ordre social par des pratiques punitives.

Dans une perspective géographique notamment, Olivier Milhaud (2017) observe que « la prison [compose] un dispositif de séparation : la prison coupe les liens sociaux et empêche les détenus de partager un monde commun entre les murs ». Dès lors, on se demande dans quelle mesure les musées permettent de créer des porosités entre des individus et des collectifs confrontés de l’intérieur ou de l’extérieur aux problématiques sociales et politiques, éthiques et affectives de l’enfermement. En tant que scène discursive complexe, où s’emboîtent une multiplicité de voix et de points de vue (les institutions muséales agencent et mettent en scène, par exemple, des discours photographiques produits par des personnes en les réassumant en partie dans leur propre énonciation), dans quelle mesure les visites guidées aux MICR de Genève, au musée des Confluences et au Mémorial National de la prison de Montluc constituent-t-elles une plateforme de transmission et d’échange des valorisations sur les espaces carcéraux ?

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